Alors que l’on redoutait les conséquences économiques catastrophiques de la crise sanitaire, de nombreux secteurs affichent depuis la rentrée des chiffres de reprise aussi imprévus qu’encourageants. Certaines entreprises tirent leur épingle du jeu et entrent ou poursuivent leur phase d’hypercroissance. Or, elles doivent naviguer pour maintenir le cap entre une accentuation de la pénurie de main d’œuvre dans certains secteurs, et les nouvelles envies des collaborateurs générées par les périodes de confinement. Des enjeux que doivent rapidement adresser leurs Directions RH en réorganisant leur stratégie.
Quels sont donc les principaux points d’attention et de développement RH qu’une entreprise en hypercroissance doit privilégier pour attirer, fidéliser et assurer la QVT de ses équipes ? À l’occasion de la Masterclass Big 2021 de BpiFrance, Jessy Boucher, Directrice Innovation & Excellence Opérationnelle chez ManpowerGroup Talent Solutions revient sur les cinq grands défis que représente cette phase d’hypercroissance. Retrouvez son intervention en vidéo :
"Une phase d’hypercroissance nécessite une gestion fine des ressources humaines, afin de faire coïncider les recrutements, le développement économique et financier de l’entreprise et ses objectifs stratégiques", explique Jessy Boucher. Il s’agit avant tout d’anticiper les besoins réels et de bien allouer les ressources tout en faisant évoluer l’organisation des équipes en fonction des arrivées et des départs.
Cette gestion repose en partie sur l’identification et le recrutement des bons profils pour réduire le turn-over et accompagner la croissance. Une étape clé qui peut s’avérer difficile, d’autant que dans un contexte tendu, le débauchage des talents rares est fréquent. Aussi, il ne faut pas oublier que réussir un recrutement se joue en plusieurs étapes. On parle désormais d’expérience candidat. Celle-là même qui fera en partie la bonne réputation de votre marque employeur. ll s’agit de penser un parcours en plusieurs étapes qui commence par votre présence digitale, en soignant notamment votre image sur les réseaux sociaux et les plateformes d’échanges liées à l’emploi. Ensuite, proposer des modes de recrutements originaux valorisant l’innovation et les engagements de votre marque feront peut-être de votre entreprise un choix évident. Enfin, il s’agit de soigner l’on-boarding afin que les personnes recrutées se sentent rapidement intégrées et engagées à leur arrivée.
Les entreprises en hypercroissance doivent à la fois trouver de nouveaux talents mais également faire monter en compétences leurs collaborateurs afin de répondre de façon plus précise à un besoin accrue. En effet, offrir des perspectives d’évolution motivantes alignées sur les perspectives de croissance de l’entreprise et donner plus de responsabilités est à la fois un facteur clé de rétention, et une réponse à cette hypercroissance. La formation au recrutement et à l’évaluation des talents reste la priorité mais doit être complétée par une formation au cycle de vie du salarié dans l’entreprise.
Toute cette montée en compétence n’est possible que si du temps est consacré à l’action managériale, et que le cadre d’évaluation de la performance le permet.
Être attentif à la qualité de vie au travail en période d’hypercroissance n’est pas seulement essentiel, c’est indispensable. A titre d’exemple, la question du télétravail - très discutée depuis quasiment deux ans - a pu centraliser les débats autour de la QVT, alors qu’il reste encore beaucoup de sujets à adresser en matière d’organisation des espaces, des temps de travail et des équipes. La charge de travail des salariés doit en particulier être un point d’attention dans un contexte d’hypercroissance.
N’oublions pas qu’un des premiers facteurs de risque psychosocial est l’absence de sens au travail, l’incompréhension de la mission de l’entreprise. Incarner les valeurs de l’entreprise, porter une culture d’entreprise, donner du sens à l’activité constitue les éléments clés d’un accompagnement quotidien de qualité.
"Les entreprises en hypercroissance se caractérisent par des recrutements massifs sur des temps courts. L’arrivée de "nouvelles têtes" doit être annoncée et accompagnée afin de créer des liens entre les différentes équipes et que chacun trouve sa place", explique Jessy Boucher. A cela s’ajoute la nouvelle appétence des salariés – cadres principalement – pour le télétravail. La création d’un sentiment d’appartenance est donc un point clé.
Créer une expérience collaborateurs passe par la définition de valeurs communes, que l’on peut retrouver concrètement appliquées à travers des engagements RSE. La communication interne et le management sont également des marqueurs à définir et à implémenter. Enfin, la création d’espaces partagés et de moments dédiés au collectif, ainsi qu'à l’échange est primordiale. L’entreprise a un rôle à jouer pour créer un esprit d’équipe fort et durable, socle à partir duquel elle peut grandir.
Une entreprise en phase d’hypercroissance doit, on l’a vu, relever un certain nombre de challenges, notamment en matière de gestion RH et de marque employeur. L’adaptabilité de l’organisation joue un rôle déterminant dans sa capacité à relever ces challenges. Les process et méthodes doivent anticiper la croissance. Ne jamais penser un modèle comme acquis est une preuve de flexibilité et d’adaptabilité.
La gouvernance doit aussi se remettre en question à chaque phase critique de croissance : les dirigeants doivent s’entourer de nouvelles compétences et faire preuve d’innovation pour gagner en agilité. Les entreprises doivent oser innover en mode test & learn avec pour objectif de devenir pionnier.
Cette phase d’hypercroissance très intense représente un défi à tout point de vue, et les RH ne sont pas en reste. Piloter une entreprise qui multiplie sa masse salariale sur un temps très court peut rapidement devenir une source de problèmes, tant pour les dirigeants, managers que pour les salariés : "Il est donc important de cerner les enjeux au départ, de les traiter méthodiquement tout en se laissant la marge de manœuvre d’innover lorsque c’est nécessaire ou plus avantageux », conclut Jessy Boucher.