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De la grande démission à la grande inclusion

La pénurie des talents menace la bonne santé économique des entreprises déjà confrontées aux nombreuses crises qui sévissent ces dernières années. Dans un tel contexte, la logique des petits pas est utile mais insuffisante et nos modèles sont à revoir dans leur ensemble pour inventer des réponses globales intégrant les enjeux RH et associant tous les acteurs de l’emploi. Pour Sébastien Van Dyk, Girecteur Général de ManpowerGroup Talent Solutions, c’est bien de transformer l’essai qu’il est question, pour passer de la grande démission à la grande inclusion.

 

Qu’elles soient liées à des enjeux économiques, sanitaires, géopolitiques ou climatiques, les crises se sont multipliées et sont venues bouleverser les codes, pratiques et habitudes qui régissent le monde du travail. Avec la pandémie, l’engagement des salariés et leurs aspirations professionnelles ont été profondément modifiés. L’inflation entraînée par la guerre en Ukraine se répercute sur leurs attentes salariales et la crise des approvisionnements qui en découle met en difficultés un certain nombre d’entreprises françaises.

Dans ce contexte difficile, une pénurie des talents massive a commencé à toucher tous les secteurs et domaines d’activités, avec 69% des employeurs, tous pays confondus, qui disent ne pas parvenir à trouver les profils dont ils ont besoin. « On se retrouve face à un marché de l’emploi avec d’un côté une pénurie de talents très forte, de l’autre, des candidats très décideurs, et au milieu de tout ça, des entreprises en pleine réadaptation de leurs modèles » résume Sébastien Van Dyk.

 

Attentes et aspirations en pleine (r)évolution du côté des salariés

 

Une transformation en profondeur s’avère indispensable pour répondre aux nouvelles aspirations des salariés et candidats. Ils sont par exemple 93% à considérer la flexibilité comme essentielle, qu’elle concerne le lieu de travail, les horaires, ou encore la semaine de 4 jours. Les entreprises doivent aussi faire face à l’arrivée de la Génération Z sur le marché du travail, « les jeunes recherchent à la fois un emploi qui correspond à leur quête de sens personnelle et à un engagement plus collectif. Deux objectifs qui peuvent parfois entrer en contradiction ! » explique Sébastien Van Dyk.

Si presque 1 actif sur 2 (49%) se déclarerait prêt à changer d’entreprise pour gagner en bien-être, ils sont aussi 64% à vouloir contribuer, à travers leur travail, à améliorer la société. Le sens au travail peut revêtir deux facettes - une dimension individuelle et un engagement sociétal - auxquelles les entreprises doivent répondre simultanément. Des défis multiples face auxquels les réponses isolées ne suffiront pas.

 

La grande inclusion comme solution à la pénurie des talents

 

Pour Sébastien Van Dyk « L’une des réponses à la pénurie des talents c’est la grande inclusion ! Celle des personnes éloignées de l’emploi, en situation de fragilité, en situation de handicap... En faisant entrer sur le marché du travail des profils jusque-là insuffisamment valorisés, nous transformerons les difficultés en opportunités ». Les salariés seniors en sont une belle illustration : véritable vivier de compétences, ils permettent de transmettre les savoirs et expertises aux plus jeunes générations et d’en assurer la pérennité. « Avec le recul de l’âge du départ à la retraite, nous devons intégrer au mieux les profils les plus seniors, trop longtemps délaissés. Les entreprises doivent repenser l’accueil et la place qui leur sont laissés tout en respectant leur feuille de route. Des enjeux qui peuvent parfois entrer en contradiction et pour lesquels nous devons innover. » précise Sébastien Van Dyk. Ces problématiques concernent aussi les personnes en situation de handicap pour lesquelles des programmes d’inclusion concrets doivent être développés. « Enfin, nous devons particulièrement veiller à ce que les femmes soient représentées dans le top management des entreprises. Au sein du Comité de direction de Talent Solutions, je suis heureux de compter 90% de femmes. Il est essentiel de leur donner de la visibilité, de les valoriser pour que l’exception se transforme en généralité. »

 

Transformer en profondeur notre vision du recrutement

 

Les entreprises prennent déjà des mesures pour répondre à ces nouvelles problématiques, en donnant plus de place aux questions liées à la RSE, à l’inclusion ou à la diversité mais il est nécessaire d’aller plus loin pour repenser les stratégies RH dans leur ensemble. « C’est toute la chaîne du recrutement qui doit être refondue. Il faut rechercher différemment et s’ouvrir à des profils en rupture de parcours. » Les processus doivent aussi évoluer pour y intégrer de nouvelles pratiques comme le recrutement sans CV, la priorisation des soft-skills ou encore la diversification des modes de sourcing. « Sans oublier de rester cohérent ! Un recrutement doit être fluide et transparent de bout en bout. Les éléments de langage utilisés dans l’offre d’emploi doivent se retrouver à chaque entretien et correspondre à la réalité de l’entreprise. Il ne faut pas hésiter à former les managers pour leur donner les clés nécessaires au bon déroulé des phases de recrutement » ajoute-t-il.

Pour accompagner les entreprises dans ces évolutions, des dispositifs et outils existent. Transco (Transitions collectives), par exemple, permet aux employeurs d’anticiper les mutations économiques de leur secteur et d’accompagner leurs salariés dans une reconversion sereine, préparée et assumée vers un métier porteur dans leur bassin de vie. « Il s’agit d’un exemple parmi d’autres et notre mission chez Talent Solutions c’est de connecter ces différents acteurs d’un même écosystème au niveau régional. Il faut casser les logiques en silos pour adopter des visions macro débouchant sur un diagnostic global qui permet de cartographier chaque situation. Une étape indispensable avant de se pencher sur l’élaboration des solutions et leur mise en œuvre ».

 

Pour être effective, la grande inclusion doit se traduire par des transformations structurelles associant l’ensemble des acteurs publics et privés de l’emploi qui permettront de concourir à la croissance des entreprises et donc à celle de l’ensemble du pays. « C’est collectivement, sans nier les difficultés, dans une logique de transparence que nous progresserons vers cet objectif et parviendrons à faire de la grande inclusion, la réalité du marché du travail de demain » conclut Sébastien Van Dyk.