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TransCo n’est pas une solution miracle, c’est une prise de conscience

Source | Extrait de la Tribune de Dominique Brard diffusée sur LinkedIn le 27.05.21

« Le dispositif « Transitions Collectives » du ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion propose d’aider les salariés dont l’emploi est fragilisé à se reconvertir vers des secteurs qui recrutent localement ». C’est une action collective - comme son nom l’indique - inédite, puisque chaque partie prenante y tient un rôle clé : les acteurs publics identifient les métiers porteurs et accompagnent la mise en place du dispositif ; les entreprises s’engagent à une totale transparence de leur situation à travers des accords de GEPP ouverts, pour qu’enfin, le salarié puisse, en toute connaissance de cause, décider de s’y engager ou non.

Depuis son lancement, ce dispositif est présenté comme une « nouvelle arme anti-chômage », ce qui me semble être une mauvaise analyse : TransCo n’est pas un outil anti-crise, car on ne réagit pas à une crise en cours avec un outil qui peut s’étale dans le temps, jusqu’à 24 mois. En revanche, c’est un outil qui permet d’anticiper les futures crises et de limiter les recours aux PSE ou tout autre plan de sauvegarde de l’emploi. C’est donc un outil de prospection et d’anticipation. Il doit être compris comme tel pour être vraiment utile aux différentes parties prenantes. Le vrai enjeu réside donc dans sa perception, la façon de l’aborder. Si chacun intègre les nouveaux mécanismes d’anticipation, nous pourrions alors développer des modes de collaboration plus aptes à répondre aux mutations du monde du travail.

Par ailleurs, si TransCo ne doit pas être considéré comme une solution miracle, il porte quelque chose de très intéressant, de presque révolutionnaire en France dans son essence et son fonctionnement : il est le signe d’une prise de conscience majeure, car il permet enfin de reconnaître trois points cruciaux.

D’abord, la mobilité géographique des salariés a ses limites.

La notion essentielle sur laquelle repose le dispositif est celle du territoire. Nous reconnaissons enfin que les Français sont las de devoir traverser le pays pour trouver du travail. Dans le cadre d'une mobilité géographique, la distance entre la commune de départ et la commune d'arrivée s'établit ainsi à 163 km en moyenne. Pour lutter efficacement contre le chômage, je suis persuadée qu’il faut penser à l'échelle des territoires et proposer des offres aux salariés au sein du même bassin d’emploi. Cela demande une mobilisation généralisée aussi bien des pouvoirs publics que des acteurs privés.

 

Ensuite, l’union du public et du privé fait la force.

Mettre les acteurs privés et publics autour d’une table avec un même objectif – lutter contre le chômage – est tout simplement inédit. Mon souhait est que cela permette de mettre en place des nouvelles mécaniques de coopération, au-delà même de l’emploi. Pour preuve, beaucoup s’accordent à dire que la découverte du vaccin d’AstraZeneca n’a été possible que grâce à sa collaboration avec l’université d’Oxford.

 

Enfin, les crises font partie du cycle de vie de toute entreprise.

Ce qui attire particulièrement mon attention dans ce dispositif, c’est l’accord de GEPP, indispensable à la rédaction du dossier de demande. C’est la première fois que les entreprises disent clairement aux syndicats qu’il va y avoir des répercussions et que l’emploi va être touché. Un vrai dialogue avec les partenaires sociaux se met à présent en place pour y faire face. En cela, le dispositif porte d’ailleurs bien son nom puisqu’il découle d’une vraie démarche de co-constrution avec les partenaires sociaux, d’une action collective.

Pour anticiper et surmonter les crises, chaque organisation sera amenée à faire évoluer régulièrement son business model, ce qui implique bien souvent une obsolescence des compétences et des évolutions dans les métiers. En prendre acte et l’assumer auprès des salariés est un exercice de transparence très nouveau.

L’employeur expose clairement ses intentions et la menace pour l’emploi. Libre au salarié de choisir ensuite sa destinée professionnelle. Chacun a les clés pour être responsable de sa propre employabilité.

Bien sûr, il existe des freins du côté des salariés (vont-ils retrouver le même statut et les mêmes avantages après leur reconversion ?) comme des entreprises (prendront-elles le risque de perdre des compétences clés bien que vouées à l’obsolescence ?), mais ce qui est passionnant, c’est que ce dispositif résulte d’une prise de conscience et prône la responsabilisation généralisée face au défi de l’employabilité des Français.

La grande question maintenant est de savoir si nous allons réussir à transformer l’essai et passer d’une prise de conscience à un changement des comportements.

 

DB2Dominique Brard,
Directeur Général Talent Solutions France

 


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