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Diversité, équité et inclusion dans l'emploi

Par Isabelle Israel, Responsable Développement RH

Dans un monde du travail en constante évolution, les réflexions sur le bien-être au travail et la prévention des risques psychosociaux sont devenues incontournables. Nous savons aujourd’hui qu’un environnement de travail positif et sécurisant, favorise la performance et la productivité. Les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion ne sont plus simplement des atouts pour les entreprises, mais des impératifs stratégiques qui contribuent à la croissance et à la réussite organisationnelle.

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à s’emparer du sujet, notamment en adhérant à la Charte de la diversité (dont ManpowerGroup est signataire depuis 2014). Toutefois, en dépit de la prise de conscience, et des progrès réalisés ces dernières années, force est de constater que les agissements discriminatoires persistent et restent une réalité freinant l’égalité des chances et le potentiel de nombreuses personnes.

Heureusement, des institutions protectrices existent pour informer et accompagner les démarches volontaires de promotion vers un environnement de travail plus respectueux de l’égalité des chances. Ces institutions mettent en place des méthodes garantissant le respect des droits individuels, telles que le testing, les enquêtes ou les baromètres sur la perception des discriminations et leurs représentations. Elles jouent un rôle essentiel en fournissant une image plus précise et nuancée des discriminations dans l’emploi. Cette compréhension approfondie permet de mesurer leur impact potentiel et d’élaborer des politiques efficaces pour y remédier, notamment à l’échelle de l’entreprise.

Discrimination dans l’emploi : tour d’horizon

En 2024, 56% des salariés interrogés se sentent appartenir à une ou plusieurs diversités, selon une enquête BVA People Consulting et AFL Diversity. La diversité englobe ici, à la fois, les critères liés à l’apparence physique, l’origine sociale, la diversité culturelle (origines, couleur de peau), l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap.

Dans le même temps, 58 % des salariés se déclarent « sensibles, promoteurs ou militants » sur les enjeux de diversité et d’inclusion alors que 74 % d’entre eux perçoivent les engagements de diversité et d’inclusion avant tout comme “un axe de communication” de leur entreprise. Ils sont 68 % à reconnaitre les efforts fournis par les entreprises, mais ils les considèrent encore insuffisants face à des comportements discriminatoires encore bien présents dans la culture de notre société.

Mieux vaut être « ni trop vieux, ni trop jeune »

Les stéréotypes sur les “seniors” et les jeunes générations peuvent influencer leur accès à l'emploi et entraver leur accès à certains postes, ou leurs opportunités de promotion et/ou de mobilités. L’âge est souvent cité comme la principale source de discrimination à l’embauche : 64% du panel interrogé dans le cadre du baromètre Landoy-Ifop, publié en janvier 2024, juge qu’avoir 50 ans ou plus constitue un inconvénient aux yeux des recruteurs.

Les discriminations envers les seniors reposent surtout sur les idées reçues persistantes au sein de certaines entreprises. Les seniors peuvent être perçus comme une ressource coûteuse, peu flexible, moins motivée, éprouvant des difficultés à s’adapter aux nouvelles technologies, physiquement moins résistante et peu mobile géographiquement.   

En 2025, la population active atteindra son pic de vieillissement avec une part des 50-64 ans s’élevant à 35% selon l’Insee. Cependant, la DARES mesure le taux d’emploi de cette même tranche d’âge à seulement 56%, soit 4,5 points en dessous de la moyenne des pays de l’Union Européenne. Il est essentiel aujourd’hui de reconnaître que l’évolution démographique et les enjeux d’employabilité qu’elle positionne en miroir, ont des répercussions bien au-delà du monde du travail.

Comme leurs aînés, les “jeunes” doivent composer avec un certain nombre de stéréotypes sur le marché du travail, qui freinent considérablement leur recrutement. Ils sont souvent décrits par leurs aînés comme volatiles et moins attachés à la valeur travail. Ces représentations semblent avoir trouvé un écho d’autant plus fort après la crise sanitaire  .

Selon le 14ème baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi du Défenseur des droits, consacré à la jeunesse, plus on est jeune, plus l’on est sujet à toutes les autres discriminations... Près d’une personne sur deux (46%) âgées de 18 à 24 ans et 42% des 25-34 ans disent avoir eu une expérience de discrimination dans le monde professionnel, contre 30% en moyenne pour leurs aînés.

Une perception de discrimination parfois accrue par la précarité dans l’emploi qui s’accentue chez les jeunes générations. En 30 ans, la part de jeunes diplômés du supérieur depuis moins de cinq ans qui travaillent en emploi précaire est passée de 13 % à 22 %. Un grand nombre de jeunes déchantent en entrant sur le marché du travail : l’écart est grand entre la réalité sociale et ce à quoi ils pensent pouvoir prétendre. S'Ils s’en sortent mieux que les moins diplômés, cela n’empêche pas leur sentiment de déclassement, en comparaison à la situation de leurs parents.

Raciale, ethnique ou culturelle : toute une palette de discriminations

Les employés issus de minorités ethniques sont souvent confrontés à des préjugés et à des obstacles dans leur progression de carrière et leur souhait de promotion. Les préjugés et stéréotypes culturels peuvent en effet influencer les décisions de recrutement.

Un rapport de l’Observatoire des inégalités a révélé que les candidatures à consonance française avaient 10 points de pourcentage de chances supplémentaires d’être rappelées par rapport à celles à consonance maghrébine dans certains secteurs d’activité. Une majorité (51%) des personnes racisées estiment avoir été victimes de discriminations raciales lors de la recherche d’un emploi, soit trois fois plus que la moyenne observée chez l’ensemble des Français (16%).

Certains candidats choisissent de ne pas mentionner leur handicap ou leur adresse sur leur CV, car ils redoutent d’être évincés du processus de recrutement. On parle alors de stratégie d’évitement.

Ces discriminations ethniques, raciales n’affectent pas ces minorités qu’à la porte d’entrée des entreprises. Pour beaucoup, elles persistent tout au long de leur vie professionnelle. En effet, 33 % des personnes racisées (terme utilisé dans l'étude) ont été victimes de propos humiliants liés à leurs origines ethniques, contre 6 % chez les non racisées et 37 % des salariés de confession musulmane ont subi des propos insultants en rapport avec leurs croyances religieuses, contre 4 % chez les athées.

Femme/homme : il reste du chemin à parcourir !

Malgré une égalité en droits, les inégalités entre femmes et hommes persistent en France.

D’après l’étude de l’Insee publiée en mars 2024, l'écart de rémunération entre les sexes est de 14,9% pour un temps de travail identique en 2022. Dans le secteur privé, le revenu salarial moyen reste de 23,5% inférieur pour les femmes par rapport à celui de leurs homologues masculins pour un même volume horaire. A noter que cette différence se réduit de plus en plus. Pour rappel, ce chiffre atteignait 28,5% en 2017. Un bémol tout de même : l’écart de salaire s’accentue encore avec l’âge, jusqu’à atteindre un écart de plus de 26% chez les 60 ans et plus.

L’écart salarial entre les sexes peut s’expliquer par une inégalité du temps de travail. Les femmes ont un volume de travail annuel inférieur à celui des hommes et travaillent plus souvent à temps partiel. Elles n’occupent pas le même type d’emploi et ne travaillent pas dans les mêmes secteurs d’activité. On parle de “ségrégation professionnelle” qui peut survenir dès l’orientation scolaire, expliquant ainsi que 40% des salariées exercent l’une des 20 professions les plus courantes pour une femme : Soins, RH, Administration, etc.

A noter enfin que la présence d’enfants dans un foyer se révèle aussi un puissant facteur d’accroissement des inégalités salariales. Ainsi, l’écart homme-femme n’est « que » de 6,1 % pour les salariés sans enfant. Il passe la barre des 12 % dès le premier enfant. Grimpe à plus de 20 % chez les pères et mères de deux enfants. Et bondit à près de 30 % (29,5 %) pour les parents de familles nombreuses avec trois enfants ou plus.

Ces différences, selon l’Insee, « proviennent à la fois de la baisse de salaire observée après la naissance, mais aussi des carrières durablement ralenties des mères ». Il est essentiel de travailler sur les causes de ces inégalités, qui résultent d’un subtil mélange entre choix de vie, intériorisation des inégalités domestiques et professionnelles par les femmes, et de la persistance des stéréotypes de genre de la part de certains employeurs.

Orientation sexuelle et identité de genre : des étiquettes difficiles à gommer

L'orientation sexuelle des personnes LGBTQ + est de plus en plus connue au sein de leur entreprise sans que la question n'entraîne de discriminations. Une évolution majeure en quelques années, même si des progrès restent à faire. D’après le baromètre Ifop pour l’association L’autre cercle, paru en avril 2024, spécialiste de l’inclusion des personnes LGBTQ+ au travail, l'orientation sexuelle de 60% des employés LGBTQ+ est connue au travail, soit une évolution de dix points en six ans.

Ces résultats, fruit de la plus large enquête auprès d’employés LGBTQ+ jamais réalisée en France, témoignent d’une évolution générale des mentalités sur les enjeux d’inclusivité. Néanmoins, si l’inclusion s’améliore, les agressions et les violences symboliques persistent en milieu professionnel. Trois personnes LGBTQ+ sur dix ont connu au moins une agression sur leur lieu de travail. Une personne sur quatre a été discriminée par sa direction.

 

Handicap et maladies chroniques : encore trop souvent tabou

Les personnes en situation de handicap et celles atteintes de maladies chroniques peuvent rencontrer des difficultés d'accès à l'emploi et à des préjugés concernant leurs capacités.

Dans son 16ème baromètre sur les discriminations dans l’emploi, publié en 2022, la Défenseure des droits nous apprend que quatre malades sur dix ont déjà été victimes de discrimination dans le cadre de leur recherche d’emploi, un chiffre deux fois plus élevé que chez l’ensemble de la population française. Pour se prémunir de ces différences de traitement, un candidat sur deux choisit de taire son problème de santé lors du processus de recrutement.

“Au-delà de différences de traitement vécues dans le travail au quotidien (43%), les discriminations liées à l’état de santé et/ou au handicap surviennent principalement lors du retour d’un congé maladie (30%) et à l’occasion d’une demande d’évolution de carrière (30%) ou d’aménagement de poste (26%)”, détaille le baromètre. On note que seule la moitié des malades ont informé leur employeur ou supérieur hiérarchique de leur état de santé et, parmi ceux qui ne l’ont pas fait, 40% déclarent craindre les répercussions négatives.

Bien que le taux de recrutement des personnes en situation de handicap s’améliore au fil des ans, le plein emploi est encore loin d'être atteint. Les chiffres montrent que les personnes en situation de handicap sont deux fois moins souvent en emploi et beaucoup plus fréquemment au chômage. En 2023, en France, 1,1 million de personnes handicapées travaillent (soit plus de 38 %). Bien qu’en diminution depuis cinq ans, le taux de chômage des personnes handicapées atteint 13 %, soit près de deux fois plus élevé que celui de l’ensemble des demandeurs d’emploi.

Le 6ème baromètre Agefiph – IFOP sur la perception de l’emploi des personnes handicapées, publié en décembre 2023 confirme que l’embauche de personnes en situation de handicap demeure difficile. Il y a une persistance de nombreux préjugés et d’idées reçues sur le handicap, et ce, malgré le rappel de l’obligation légale d’embauche et des aides pour accompagner les entreprises tel que la mise en place d’un référent handicap, la formation des équipes, la politique de diversité et d’inclusion, etc.

Quelques idées de stratégies à mettre en place 

Face à ces tristes et persistants constats, des solutions pour lutter contre les discriminations et favoriser un environnement inclusif existent. Les entreprises ont les moyens d’agir. Voici quelques leviers d’action à explorer, idéalement de façon combinée, pour devenir partie prenante de cette lutte contre les discriminations.

Sensibiliser et former ! : tous acteurs de l’inclusion et la diversité

Pour espérer avancer de manière impactante sur ces sujets d’inclusion et diversité, il est nécessaire de sensibiliser et former chacune des strates hiérarchiques de l’organisation. Développer un climat de travail inclusif passe avant tout par un engagement fort et sans équivoque de la part de la direction des entreprises. Les managers, parce qu’ils sont garants des bonnes pratiques, et se doivent de montrer l’exemple dans leurs actions quotidiennes, doivent faire l’objet d’une attention toute particulière dans le cadre de cette sensibilisation, d’autant qu’ils sont particulièrement exposés aux risques de discrimination (dans le cadre du processus de recrutement, dans le cadre de promotion de carrière de leurs équipes, et dans leurs pratiques quotidiennes vis à vis de leurs collaborateurs).

Cela semble évident, mais il est important de rappeler que chaque membre de l’organisation est concerné et a son rôle à jouer. Pour initier un véritable changement dans les comportements, il est impératif d’amener chacun à se questionner et travailler sur ses représentations : identifier ses propres biais cognitifs constitue une première étape essentielle, avant de réfléchir à des actions concrètes. Les ateliers et groupes de travail sont des approches particulièrement indiquées pour aborder cette thématique.

Ces démarches n’auront que peu d’impact si elles ne sont pas accompagnées d’actions correctives, d’où la nécessité d’un suivi et d’une évaluation. Car “si le thermomètre ne fait pas tomber la fièvre, il permet quand même d’avoir un traitement approprié”.

Déployer une culture d'entreprise inclusive

On appelle culture inclusive une culture d’entreprise qui s’appuie sur l’individualité de chacun des collaborateurs pour en faire un véritable atout. En ce sens il faut différencier “culture inclusive” et simple diversité en entreprise. Une politique d’inclusivité va au-delà du simple recrutement de profils variés, pour inclure et célébrer tous les âges, tous les genres, toutes les orientations sexuelles, toutes les origines culturelles...des collaborateurs.

Parmi les pratiques inclusives le plus souvent citées et/ou appliquées en entreprise, on note l’adaptation des lieux de travail pour qu'ils soient accessibles à tous les employés, y compris ceux en situation de handicap ; la promotion des horaires flexibles et des politiques de télétravail pour soutenir la diversité des besoins des employés ; l’encouragement à la création de réseaux de soutien pour les employés ; la célébration de la diversité à travers des évènements et des communications internes ; la mise en place de règles de reconnaissance au travail transparentes ; l’implication des dirigeants dans la promotion de l'inclusion, avec des objectifs de diversité clairs et mesurables, etc.

Le bilan dans tout ça ?

La diversité, l’équité et l’inclusion ne sont pas définies dans la loi. Elles relèvent de la RSE, la Responsabilité Sociétale et Environnementale des entreprises. Pour suivre les changements dans la société et répondre aux besoins des salariés, jeunes et moins jeunes, les entreprises prennent conscience du rôle social qu’elles ont à jouer. La politique diversité, équité & inclusion (DEI) est un facteur de plus en plus important aux yeux des candidats et des collaborateurs. En témoigne l’enquête BVA People Consulting/AFL Diversity selon laquelle 41% des salariés seraient prêts à démissionner si leur entreprise ne respectait pas ses promesses en matière de DEI, si elle discriminait un collaborateur ou en cas de désaccord avec les valeurs promues.

Il est donc essentiel que ces concepts ne restent pas qu’une simple réalité de façade. Car sans un engagement sincère cela peut produire un effet très néfaste, et se révéler totalement contre-productif, nuisant au capital d’une marque et à la réputation d’une entreprise. Gare aux pratiques comme la Diversity Washing, ou au Pink Washing (l’exploitation de l’idée de diversité culturelle, de handicap et de race à des fins de marketing).

De plus en plus d’outils sont à disposition des managers et des services RH pour mettre en place une politique de diversité et d’inclusion efficace : audit, refonte de dispositifs internes non biaisés, labels, activités de sensibilisation…

La diversité, c’est être invité à la fête. L’inclusion, c’est se faire inviter à danser”, Verna Myers, vice-présidente de la stratégie d'inclusion chez Netflix