Parole d'expert par Dounia Chidekh, Team Leader RPO
Dans le monde professionnel d'aujourd'hui, la jeunesse occupe une place de plus en plus importante. D’ailleurs d’ici 2030, près d’un tiers de la population active en France seront des représentants de la génération Z et 75 % des actifs seront issus des générations Y et Z. Les jeunes travailleurs sont animés par des désirs et des préoccupations qui constituent leur vision du travail et leur relation avec les entreprises. Essayons donc de comprendre cette vision du travail qui est la leur.
Pour les jeunes, la rémunération occupe souvent la première place dans la liste des critères lorsqu'ils recherchent un emploi. En effet, d’après une enquête menée par la fondation Jean Jaurès et la Macif auprès de 1 000 jeunes âgés de 18 à 24 ans, 43% d’entre eux attendent d’abord un poste bien rémunéré. Cette priorité s'explique aisément : elle représente la clé permettant de concrétiser leurs projets futurs et peut être même de réaliser leurs rêves, qu'il s'agisse de l’achat d’un logement ou de se lancer dans l'entrepreneuriat.
En seconde priorité de nos jeunes générations vient l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Les jeunes accordent de plus en plus d'importance à cette harmonie, souhaitant s'investir dans des activités extra-professionnelles telles que le bénévolat associatif. En effet, 35% d’entre eux ciblent un poste qui laisserait du temps libre à consacrer dans le cadre de leur vie personnelle. Cette évolution de la place donnée au travail chez les jeunes reflète un changement de société profond où le succès et « une vie réussie » ne font plus uniquement référence à une carrière professionnelle, mais aussi au bien être global et à l’épanouissement personnel.
Les jeunes sont de plus en plus enclins à accorder de l’importance à des aspects de leur vie tels que les relations familiales, les amitiés naissantes, les expériences enrichissantes et l’accomplissement de soi à travers des passions et des loisirs. Cette revue des critères de réussite témoigne d’une prise de conscience de l’importance de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
D’un point de vue employeur, encourager ses salariés à bénéficier de temps libre est une stratégie bénéfique. En leur offrant la possibilité de s’engager dans des activités en dehors du travail, les entreprises favorisent le développement de compétences et de savoir-être précieux. De plus, le temps libre permet aux salariés de se ressourcer et de se détendre, ce qui favorise leur bien-être général. Des employés plus détendus et épanouis sont souvent plus motivés et donc plus productifs dans leur travail.
Malgré leur dynamisme et leur ambition, de nombreux jeunes expriment une certaine méfiance quant à l'avenir du marché du travail. L'inflation et le poids persistant de l'expérience dans les critères d'embauche contribuent à nourrir ce sentiment de précarité chez les jeunes travailleurs. Si l’expérience et les hard skills sont indispensables à la réussite dans presque tous les emplois, ce serait toutefois une erreur de considérer qu’ils éclipsent l’importance des soft skills. Dans un monde où le digital et l’innovation sont au cœur des stratégies d’entreprise, il devient indispensable pour les collaborateurs de pouvoir être acteur de changement, et les qualités interpersonnelles sont les premières nécessitées. Les organisations changent aussi et deviennent de plus en plus souples avec moins d’échelons hiérarchiques. Il devient donc essentiel pour les entreprises de se pencher sur la question de ses valeurs, sa culture et le mode de fonctionnement entre ses collaborateurs afin de dégager plus facilement des éléments à évaluer lors des entretiens d’embauche.
En France, les moins de 25 ans ont du mal à se faire ouvrir les portes du marché du travail. Le phénomène n’est pas nouveau mais depuis 2008, il ne cesse de s’aggraver. Les jeunes sont les premières victimes de la crise : leur taux de chômage s’élève à 22% soit plus du double de la moyenne nationale. En plus du critère de l’expérience à l’embauche qui constitue un frein à la recherche d’emploi, les jeunes sont également confrontés à la dure réalité que représente le « marché caché » de l’emploi face auquel le plus souvent, ils ne sont pas préparés. Selon une étude, le « marché caché » de l’emploi a représenté pas moins de 2,8 millions d’embauches en 2020 sur un total de 7 millions de recrutements, soit 41% au total. Sous cet intitulé, on retrouve toutes les offres d’emplois qui ne sont pas officiellement publiées sur les sites généralistes de recrutement. Ce sont notamment des candidatures spontanées, le bouche à oreille, le réseau personnel ou encore la prise de contact sur les réseaux sociaux.
Les jeunes entrants sur le marché du travail n’ont généralement pas beaucoup d’expérience professionnelle ni de réseau établi. De ce fait, ils ne sont pas familiarisés avec la pratique courante qui consiste à découvrir des opportunités professionnelles par le biais de contact pro ou perso. Alors, comment accompagner nos jeunes générations quand ils sont le plus souvent préparés durant leur cursus à la rédaction d’un CV classique pour ensuite pouvoir postuler de manière formelle ? Pas de remède miracle, mais nous avons malgré tout de nombreuses options disponibles ! Côté universités ou écoles, il serait par exemple intéressant de consacrer du temps à la construction et l’utilisation de son réseau pour appréhender au mieux ce marché caché. Côté entreprises, nous pouvons imaginer la création de « mentors » pour que des employés plus expérimentés guident et conseillent les jeunes employés et même les étudiants sur le fonctionnement global du marché du travail et notamment sur le « marché caché ». Rappelons qu’il existe des programmes de formation sous format d’e-learning sur le sujet, visant à octroyer des conseils avisés et des techniques pour mieux appréhender le marché du travail et entre autres, la création d’un réseau professionnel.
Le télétravail est devenu un véritable confort pour de nombreux jeunes, et parfois même une condition sine qua non pour certains. Cette flexibilité offre une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle (selon 80% des salariés), tout en permettant de limiter des contraintes géographiques et surtout, pour les adeptes d’écologie, il représenterait un réel atout. En effet, le télétravail permettrait de diminuer de 58% les particules fines liées aux trajets quand 70% des Français utilisent leur véhicule pour se rendre au travail. Cette organisation du temps de travail permet effectivement de se dégager du temps plus facilement pour ses activités extra-professionnelles telles que le sport, socles de l’équilibre vie pro/vie perso tant recherché. Ce temps libre peut aussi être source de développement de nouvelles compétences, parfois très recherchées en entreprise comme la créativité, la motivation ou la capacité d’écoute.
La responsabilité sociale des entreprises occupe une place importante dans les préoccupations des jeunes. A l’air des défis environnementaux, les jeunes sont de plus en plus sensibles aux engagements écologiques des entreprises. En 2022, une étude a démontré que près d’un jeune sur 2 considérait que les enjeux environnementaux étaient mal investis dans les entreprises. D’ailleurs, 7 jeunes sur 10 pourraient changer de poste pour un emploi plus écologique.
Et le volet social de la RSE ? Contrairement aux idées reçues, c’est un aspect tout aussi préoccupant que celui de l’écologie, voire même plus important. En effet, on retrouve dans la 3e édition de l’index RSE d’Universum ayant interrogé 1 200 jeunes actifs, le classement suivant : en première position vient la préoccupation des engagements sociaux des entreprises avec 56%. Vient ensuite l’intérêt pour les engagements économiques avec 45% puis les engagements environnementaux avec 28%. On comprend donc que les jeunes sont de plus en plus sensibles aux efforts fournis par les entreprises pour améliorer le bien-être de leurs salariés.
Pour conclure, la jeunesse d’aujourd’hui incarne une génération audacieuse et ambitieuse qui n’hésite pas à revendiquer ses aspirations. Elle refuse de se contenter du strict minimum et attend d’une entreprise bien plus qu’une rémunération. Cette jeunesse exigeante recherche des opportunités professionnelles qui correspondent à ses valeurs, qui lui permettent d’exprimer sa créativité et de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Elle n’a pas peur d’en demander toujours plus, sachant pertinemment que ses attentes sont légitimes. Cette génération consciente de son potentiel, aspire à un parcours professionnel dynamique et évolutif.
Le monde du travail est en perpétuelle évolution. On peut le constater notamment avec l’avènement de l’intelligence artificielle. Si l’IA apporte elle aussi son lot de changement avec de fortes attentes des collaborateurs notamment sur la formation à son utilisation, elle peut aussi être un outil pour répondre aux nouvelles aspirations auxquelles font face les DRH. L’IA permet aux professionnels des RH de rationaliser les processus, d’améliorer la prise de décision mais aussi de favoriser le bien-être de ses salariés.
Et demain ? Imaginez un monde où l’IA devient votre allié ultime pour garantir le bien-être de chaque collaborateur. Dans cette nouvelle ère, l’intelligence artificielle évalue l’humeur des membres de vos équipes, déchiffrant les subtilités des sentiments avec une grande précision. Les responsables des ressources humaines naviguent habilement à travers des flux de données émotionnelles, détectant les moindres signaux d’insatisfaction avant même qu’ils ne s’installent. Si vous ne souhaitez pas que votre responsable soit informé de vos états d’âmes, alors pas de panique vous pourriez échanger par écrit avec ce compagnon digital sur votre santé mentale, recevant de bons conseils en toute discrétion. Car oui, dans ce monde futuriste, ce qui se dit entre vous et le chat, reste entre vous et le chat.
Vous l’aurez compris, l’intégration de l’IA dans la gestion des ressources humaines ouvre un monde de possibilités pour les professionnels RH mais surtout pour tous les salariés qui pourront en bénéficier, y compris les jeunes actifs.